jeudi 16 février 2012

Interview de Sylvie Baussier par Clémentine Beauvais

1) Bonjour Sylvie! double question classique pour mieux te connaître: comment es-tu venue à l'écriture, et pourquoi écris-tu (en majorité) pour la jeunesse?
J’ai toujours tourné autour des livres… Les livres, les histoires, c’est ce qui m’a permis de tenir la tête hors de l’eau quand j’étais gamine et que ça n’allait pas toujours bien dans ma famille et dans ma tête. Mais il me manquait, sans que je le sache, des gens et des livres qui m’aident à comprendre ma réalité. J’ai fait des études de lettres, puis de bibliothécaire, puis j’ai été éditrice pour des encyclopédies grand public pendant une dizaine d’années. Je cherchais ma voie, je suppose.

Sylvie Baussier
Donc il y avait la lecture, et en parallèle l’écriture, par bribes. Mais en faire mon métier… C’est comme si on m’avait dit qu’un jour des rats allaient se transformer en laquais, des citrouilles en carrosse… Carrément impossible!
Et puis il y a eu un déménagement, une période de chômage, des interrogations, des routes possibles… Les premiers livres que j’ai publiés, chez De La Martinière, il y une quinzaine d’années, parlaient du deuil et du handicap: j’écrivais pour les ados des livres que j’aurais bien aimé avoir sous la main à leur âge. J’ai donc publié un livre, puis deux, puis trois… Et j’ai vu s’ouvrir une possibilité : vivre de ma passion!

2) Quand on regarde ta bibliographie, on est impressionné par le nombre de livres informatifs pour enfants et adolescents. Qu'est-ce qui te plaît particulièrement dans ce type d'écriture? Qu'essaies-tu d'éveiller chez les enfants?
J’écris des documentaires parce que j’adore apprendre, et tenter d’ouvrir des univers aux enfants et aux jeunes. Bien sûr, tout est à portée de leur main, théoriquement, avec l’Internet. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le documentaire pour la jeunesse connaît une crise. Pourtant, les recherches d’information sur le net demandent souvent des compétences dignes d’un documentaliste, et ne dispensent pas d’une vision du monde. Lire des infos sur les droits des enfants sur des sites, par exemple, n’aide pas forcément à comprendre la balance entre droits et devoirs ! C’est bien pourquoi écrire un livre documentaire demande un travail fou… Un travail qui semble invisible… Comme s'il n'y avait pas d'auteur!

Cela dit, pour moi l’écriture est un chemin. La fiction m’a très longtemps intimidée, et je m’y fais enfin un chemin, seule et en duo. Pour moi, c’est un bonheur!

3) Tu as publié récemment chez Oskar deux romans sur les catastrophes nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima (coécrits avec Pascale Perrier). Peux-tu nous en dire plus sur ces deux romans? Comment l'idée est-elle née, et comment avez-vous écrit l'histoire à deux?
J’ai commencé à écrire avec Pascale Perrier il y a trois ans environ. Nous avons débuté par un roman qui va sortir chez Oskar au printemps 2012 sous le titre “Classé confidentiel”. Nous avons beaucoup aimé travailler ensemble, nous aider mutuellement à avancer… 25 ans après la catastrophe de Tchernobyl, nous avons voulu montrer par une histoire que ce événement n’est pas que du passé : c’est aussi, malheureusement, le présent de milliers de gens qui habitent autour du site. Et quand ce livre est sorti a eu lieu la catastrophe de Fukushima. Les éditeurs nous ont proposé d’écrire sur ce sujet. Nous avons hésité, et pris notre décision: il fallait faire saisir aux enfants ce que le Japon avait subi. Ce qui nous pend au coin du nez. Là encore un vrai roman. Transformer la matière d’une veille documentaire quotidienne en fiction a été un vrai défi!

Pascale et moi adaptons notre travail à deux selon les projets: c’est très souple. La constante: un grand respect mutuel, pas de concurrence, de la bonne humeur, et le désir de créer les histoires les meilleures possibles!

4) Tu as aussi publié un album sur les sans-papiers, un autre sur Henri Dunant... Te décrirais-tu comme une auteure 'engagée'? est-il important pour toi que tes romans et albums expriment un commentaire sociopolitique?
Je me sens très concernée par ce qui se passe dans le monde. “Courrier international” est l’une de mes lectures quotidiennes. Et je me sens souvent indignée ! Pour moi, écrire est une façon d’agir, de la façon qui est le plus à ma portée. Je fais partie de RESF, et Amin sans papiers est un album qui découle de cet engagement. Raconter la vie d’Henri Dunant, qui aurait pu choisir une vie bourgeoise et confortable mais a préféré défendre toute sa vie la cause des blessés de guerre et créer la Croix Rouge, c’est raconter que nous avons tous le choix de nos actes.

5) Quand tu n'écris pas, que lis-tu? Qui sont tes auteurs et quels sont tes livres préférés, ou qui t'inspirent particulièrement, pour enfants et pour adultes?
Parfois, il m’est arrivé de me sentir mal, et de réaliser pourquoi; je n’avais lu aucune fiction depuis une ou deux semaines! Lire m’est aussi indispensable que respirer (bon, un peu moins, d’accord!). Je ne m’inspire pas spécialement d’un auteur ou d’un autre quand j’écris, mais il y en a plein que j’admire! Pour en citer quelques-uns : Roald Dahl, Philip K. Dick, Murakami, Marie N’Diaye, Arto Paasilina… En ce moment je lis Tobie Lolness, de Timothée de Fombelle, que je trouve très bien fait. J'aime beaucoup aussi Combat d’hiver de Jean-Claude Mourlevat… Mais la liste serait sans fin! D’ailleurs j’ai fini par taper sur Word une liste de mes livres préférés, et j’adore les échanges de coups de foudre littéraires! Si cette liste intéresse quelqu’un, elle est à votre disposition!

6) Sur quoi travailles-tu en ce moment, et sur quoi rêves-tu de travailler dans le futur?
Je peaufine pour la collection “Histoires de la Bible" chez Nathan un roman inspiré du personnage d’Abraham; je prépare une série de romans pour plus jeunes dont les premiers vont paraître en juin (chez Nathan aussi), j’écris pour les ados chez Gulf Stream, sur les langues et les rêves (collection “Et toc”) et je poursuis mon aventure pour les Kididoc, des livres animés passionnants à mettre au point… Et je poursuis mes aventures littéraires avec Pascale! Eh oui, c’est éclectique, un peu comme mes lectures. En tout cas je vis de ce que j’aime faire, et ça, c’est aussi merveilleux que de voir une citrouille se transformer en carrosse!

Voici l'adresse du site de Sylvie
http://baussier-auteur.monsite-orange.fr

Et quelques titres parus:
- T'as la tchatche! ill.A. Rouquette; coll. Et toc! ed. Gulf Stream, 2012
- Le Kididoc des Comment, ill. Didier Balicevic, éd Nathan, 2011
- Japon touché au cœur, Fukushima, roman co-écrit avec Pascale Perrier, éd Oskar, 2011
- La Course au pôle Sud : Amundsen et Scott, éd. Oskar, 2011
- Le travail, tout un monde! ill. Elodie Balendras, éd Milan, 2011
- Le Kididoc des Pourquoi, ill. Didier Balicevic, éd Nathan, 2010
- La fabuleuse histoire de l'empire du Ghana, ill par Dialiba Konaté, Le Seuil, 2010
- Le Grand livre de la vie et de la mort, illustré par Sandra Poirot Cherif, éd Milan, 2010
- Handicaps… Le guide de l’autonomie, Hydrogène, de La Martinière, 2008

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